Le Blog de Jacques MEUDEC

DEBROUSSAILLAGE à KERLANN

     Seuls les initiés savent ce qu’est le « Débroussaillage » annuel à Kerlann. Afin de lever un coin du mystère  et témoigner d’un bel exemple d’amitié, je me suis permis  d’écrire ce petit article à destination des béotiens et de tous ceux qui s’intéressent à la vie du village. Nous sommes au début des années 90 et tous les week-ends je déserte Brest pour me ressourcer à la campagne, plus exactement à Guiclan ou je possède une résidence secondaire, ancien corps de ferme retapé dans mon village natal : Kerlann.

      Peuplé après guerre d’une dizaine de petites fermes qui s’adonnaient à la polyculture, petit à petit ce village, comme les autres des  communes léonardes, s’est transformé au gré de l’arrivée  de la mécanisation et de nouvelles orientations en matière d’agriculture. Les agriculteurs  garants de l’entretien des espaces campagnards  se sont tournés vers  cultures légumières et élevages hors sol, délaissant ainsi les tâches d’entretien consommatrices de main d’œuvre et peu productives. Finies les journées d’automne passées au nettoyage des talus avec pour seuls outils faucilles et fourches en bois, finies les journées d’hiver passées à l’irrigation des prairies et au nettoyage des ruisseaux et rivières. Lentement la campagne se dégrade et notamment les zones humides souffrent de leur non rentabilité dans un modèle agricole qui s’oriente vers le productivisme. Délaissées, elles sont très rapidement envahies de ronciers et autres espèces naturelles. Les prairies naturelles ou nous gardions les vaches sont abandonnées et le petit ruisseau qui servait à leur irrigation lentement disparait sous une végétation hostile . Privé de lumière il se meurt.

      Au cœur de nos jeux mais aussi de notre curiosité, ce ruisseau représentait pour nous bien autre chose qu’un petit filet d’eau. C’est sur ses berges que nous découvrirons les libellules à la période des fenaisons. C’est sur ses berges que nous découvrirons toute la faune aquatique ; têtards et grenouilles, vairons, truites et anguilles n’auront plus de secrets pour nous, même s’il aura fallu attendre plus tard et affiner nos techniques avant de capturer la reine « fario ». Il sera aussi le lieu de nos premières baignades et le théâtre d’expérimentations diverses et variées comme les constructions de moulins à eau, fruits de notre imagination.

      Fort contrarié par la « souffrance » de ce petit ruisseau et par la disparition de sa faune et de sa flore, je ne pouvais rester inactif devant ce qui pour moi était un drame et une ineptie de la société. Aussi me suis-je décidé d' entreprendre de redonner lumière et donc vie à ce ru qui avait bercé notre jeunesse et éveillé notre passion pour les « Sciences Naturelles ». En automne et hiver je passais ainsi tous mes dimanches à son chevet, épuisé certes mais fier de la dizaine de mètres de berges réhabilitées.

      Un dimanche soir, la nuit tombante, devant l’ampleur de la tâche, je me reposais une fois encore la question de l’amélioration de ma productivité. Chez Thales Underwater Systems, je venais à l’époque de prendre la responsabilité du Service Développement Logiciel, ma première expérience sérieuse en management. C’est alors que me vint l’idée d’une action collective qui à mon sens pouvait présenter au moins deux intérêts. Tout en redonnant vie à la rivière plus rapidement et plus facilement, nous pouvions en dehors de notre cadre de travail créer les liens nécessaires au renforcement de la solidarité entre les membres de l’équipe dont je venais de prendre la responsabilité. Je proposais l’idée et très rapidement une dizaine de volontaires s’avérèrent intéressés. La journée du « Débroussaillage », comme la journée du patrimoine…était née ! Nous étions je pense en 1993 !

      Tous ingénieurs, plutôt intellos que manuels, ils s’appellent Lulu, Alain, Jean Christophe, Tanguy, Bruno, Christian, Daniel, Guy, Eric, Ben, Dédé, Paul, et se retrouvent à Kerlann tous les ans au début du printemps pour cette journée très conviviale. Le scénario de cette journée est maintenant devenu immuable. Démarrage à neuf heures (ça glisse légèrement au fil des ans) par un petit café, puis direction Kerlann-Goz ou les prairies nous attendent, (les ronces peut-être pas !) pour une première séance de deux heures. La pause apéro/casse-croute du midi nous permet de reconstituer nos forces et de ragaillardir l’équipage. Vers 14h30 retour sur le terrain pour l’estocade finale et les travaux de finition comme le brûlage de tous les végétaux coupés et soigneusement ramassés. A 17h00/17h30, satisfaits du devoir accompli il est temps de penser à notre soirée.

      Invariablement la soirée débute par une visite au bourg de Guiclan avec pour objectifs de se désaltérer, de prendre la température des bistrots et de jouer quelques parties de baby-foot ou fléchettes histoire de se mettre en forme (warm up est le terme consacré en F1). Invariablement elle se poursuit par un diner-débat autour d’un feu de bois et de grillades ou nous refaisons au moins 2 fois Thales et le monde jusqu’au bout de la nuit. Une seule règle : dormir sur place ; sinon tout est ouvert dans un espace de discussion et de convivialité ou se forgent les forts liens de l’amitié. Belle école de la vie !

     Voilà la petite histoire que je voulais vous raconter, histoire ou le petit ruisseau se fait le fédérateur d’un groupe et le ciment d’une amitié indéfectible. En effet si certains sont partis vers d’autres cieux poursuivre leur carrière, pour rien au monde ils ne rateraient la journée du «  Débroussaillage ». De Cholet ou de Paris une fois l’an ils reviennent se ressourcer dans l’eau du petit ruisseau…nous attendons maintenant le retour de Jean Christophe qui s’est exilé au Maroc. Mais là c’est une autre histoire !

Sur ce blog vous pouvez consulter quelques photos, témoignages vivants de cette journée.

Le 16 Février 2011

Jacques